Un milieu naturel riche et diversifié
La Bretagne bénéficie d’une richesse naturelle remarquable par la diversité de ses faciès littoraux et la variété des espèces de végétaux et d’animaux qui y vivent. Les nombreux sites protégés en zone littorale en témoignent :
- 10 réserves naturelles : 6 nationales, 4 régionales
- en zones Natura 2000 : 770 656 ha protégés au titre de la Directive Habitats et 651 400 ha protégés au titre de la Directive Oiseaux
- par le Conservatoire du littoral : 9 600 ha protégés sur près de 150 sites, soit près de 20 % du littoral breton
Un littoral inégalement impacté
Une fois arrivée à la côte, la pollution maritime se répand sur l’estran. Les zones planes ou abritées favorisent l’accumulation et la stagnation du polluant. Plus le coefficient de marée est grand ou en cas de tempête, plus la pollution se dépose haut sur le rivage et moins elle bénéficiera ultérieurement du nettoyage mécanique des vagues. Les côtes rocheuses sont, à ce titre, les mieux loties. Sur les plages de galets, de graviers et de sables grossiers, le polluant risque de s’infiltrer en profondeur compliquant ainsi le nettoyage. Et celui-ci pourrait alors altérer la faune qui y vit plus encore que le polluant lui-même. Sur le sable fin, en revanche, le polluant a tendance à rester en surface mais peut être recouvert par des couches de sable propre aux marées hautes suivantes, entraînant ainsi une pollution en millefeuille. Les vasières et marais maritimes, par définition abrités, constituent les zones les plus vulnérables. Le polluant va y stagner à long terme d’autant plus que le nettoyage y est délicat car susceptible de bouleverser plus encore l’écosystème. Enfin, la pollution et les opérations de nettoyage vont aggraver l’érosion des côtes en fragilisant le substrat, voire en ôtant des quantités parfois considérables de sédiments. Il est donc indispensable de se demander jusqu’où nettoyer afin que les effets du nettoyage sur l’équilibre global du littoral ne soient pas pires que la pollution elle-même.
Les effets sur la faune sont directs quand la pollution entraîne une fuite des espèces ou une mortalité, immédiate ou différée dans le temps. Les espèces les plus vulnérables sont celles dont la mobilité est réduite voire inexistante : les mollusques peu mobiles comme la coquille Saint-Jacques, les mollusques fixés (huîtres et moules) et certains crustacés. La mortalité peut intervenir par ingestion ou asphyxie, avec une vulnérabilité variable s’il s’agit d’un juvénile ou d’un adulte. La pollution a aussi des effets indirects sur la reproduction et donc la pérennité de l’espèce, en cas de destruction ou d’altération des zones de frayère où les adultes viennent se reproduire. La période de reproduction, qui peut varier de quelques semaines à plusieurs mois selon les espèces, constitue ainsi une phase critique particulièrement sensible. Les zones de nourriceries, généralement côtières et estuariennes, où les juvéniles vont grandir, sont aussi hautement vulnérables. La disparition de certaines espèces en impacte également d’autres via la chaîne alimentaire.
La capacité de la nature à s’auto-nettoyer
Les hommes déploient tout un tas de techniques pour nettoyer la pollution mais la nature assure une grande part dans le retour à la normale. Cette capacité d’auto-nettoyage s’articule autour de deux processus :
- l’action mécanique des vagues : l’hydrodynamisme de la mer
- l’action biologique de certains organismes aquatiques : la biodégradation
Vers un nouvel équilibre ?
La nature a horreur du vide. Il va y avoir une substitution des espèces. Rapidement après la disparition ou la raréfaction des espèces présentes avant la pollution, des espèces opportunistes vont proliférer. Progressivement d’autres espèces indifférentes ou tolérantes vont réapparaître. Et ce n’est qu’au bout d’un certain temps que les espèces dites sensibles, toutes les espèces commercialisées donc, vont revenir. Ce retour à la normale peut prendre 5, 10 ou 15 ans suivant les cas. La mise en place d’un suivi écologique au minimum sur cinq ans est donc indispensable pour observer cette régénération du milieu naturel.
Le bilan de l’Amoco Cadiz
Après la marée noire, le milieu naturel a montré une capacité considérable d’auto-nettoyage et de restauration. Il ne reste plus de la pollution que quelques encroûtements sporadiques ou traces dans la vase à de rares endroits. Il a malgré tout fallu plus de douze ans pour que les zones sensibles confinées et peu exposées à l’énergie des vagues, comme les abers, se débarrassent du polluant.
La pollution a cependant causé une perturbation majeure de l’écosystème. Jusqu’à 260 000 tonnes d’animaux morts (crabes, poissons, coquillages, oiseaux, etc.) ont été enregistrées. Dans les mois qui ont suivi, des espèces opportunistes (vers, crabes verts, etc.) ont proliféré. Il a fallu plus de huit ans pour que l’écosystème retrouve un équilibre. Mais le système ne s’est pas restauré tel qu’il était avant la catastrophe. C’est un nouvel équilibre qui est apparu. Il y a donc bien eu un avant et un après Amoco.
Et en cas de pollution chimique ?
Là encore, il n’est question que de pollution par hydrocarbures. Il n’existe en effet pas d’étude de cas à grande échelle sur les impacts d’une pollution chimique. On connaît certes les effets létaux, sublétaux et secondaires sur les espèces face à un déversement de produit chimique dans le milieu naturel mais pas la capacité de régénération des écosystèmes.