Pollution du Thisseas
Le 24 février 2016, une nappe d’hydrocarbures de 35 km de long sur 50 m de large était détectée dans le sillage du vraquier Thisseas au large de la pointe de Penmarc’h. Outre le versement d’une caution de 500 000 €, le Procureur de Brest engageait des poursuites à l’encontre du capitaine et de la société Laskaridis Shipping pour pollution volontaire. Vigipol s’était alors immédiatement constitué partie civile.
En janvier 2017, le tribunal correctionnel de Brest condamnait la société Laskaridis Shipping à une amende record d’un million d’euros pour pollution volontaire en mer. Le capitaine du navire, bien que disparu, était quant à lui condamné à une amende de 30 000 €. La constitution de partie civile de Vigipol était reconnue recevable et des dommages et intérêts lui étaient accordés. Les deux condamnés avaient fait appel de cette décision.
En septembre 2018, la Cour d’appel de Rennes infirmait la décision de première instance et prononçait l’extinction de l’action publique à l’encontre du capitaine du navire et de la société Laskaridis Shipping en vertu de l’article 228 de la convention des Nations-Unies sur le droit de la mer, dite convention de Montego Bay. Cet article dispose en effet que, dès lors que l’État du pavillon, le Libéria dans le cas présent, engage des poursuites dans les six mois suivant les faits et prononce une condamnation, celle-ci entraîne de fait l’extinction des poursuites engagées par l’État côtier. Le Procureur général de la Cour d’appel de Rennes avait formé un pourvoi contre la décision de la Cour d’appel.
Le 24 septembre 2019, la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes, estimant que la décision du Premier Ministre de demander la suspension des poursuites par l’État du pavillon était fondée et susceptible de s’appliquer.
En quoi cette décision est-elle très importante ?
L’application systématique de l’article 228 de la Convention de Montego Bay, largement utilisée dans les affaires de rejets illicites en mer, se trouve ainsi remise en cause. Cette jurisprudence casse l’impunité des pollueurs qui se cachent souvent derrière l’État du pavillon pour échapper à une juste condamnation.
Cette décision ouvre également la possibilité d’une véritable reconnaissance du préjudice subi par l’environnement et de la légitimité de l’État côtier à poursuivre les auteurs de rejet illicite en mer. La prévention et la répression de ces rejets entraînent en effet des coûts pour la collectivité en raison de la nécessaire surveillance des côtes et opérations de lutte antipollution en mer ou à terre qui peuvent en résulter.
Le renvoi devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence sera l’occasion d’un nouveau procès où l’affaire sera intégralement rejugée. Vigipol sera évidemment partie civile dans ce procès pour défendre les intérêts des populations et collectivités littorales.