Vigipol - Défendre les intérêts des collectivités littorales face aux risques issus du transport maritime
Je recherche... rechercher

Je recherche

X

Actualités

Billes plastiques sur les plages : comprendre le phénomène pour tenter de l'éradiquer

19.01.2023

Plusieurs vagues de signalements

Les premiers signalements à Vigipol

Le 26 novembre 2022, Vigipol est informé de l’arrivage de billes plastiques en Finistère Sud.

Des échanges avec les communes et communautés de communes du Pays Bigouden Sud et du Haut Pays Bigouden ont permis d’apporter des précisions sur l’étendue de cet arrivage : Plobannalec-Lesconil, Tréffiagat-Léchiagat, Le Guilvinec, Penmarc’h, Plomeur, Tréguennec et Pouldreuzic.

Plage de Pouldreuzic
(Source : C. Combe)

Entre fin novembre et mi-décembre, une dizaine de communes ont signalé des arrivages de GPI sur leurs plages. Cependant, les échanges avec la Préfecture maritime de l’Atlantique n’ont pas permis d’identifier l’origine de cette pollution. Aucun conteneur n’a, en effet, été signalé perdu en mer au large des côtes dans les semaines qui ont précédé.

Des prélèvements ont été réalisés et envoyés au Cedre.

Elargissement des arrivages sur la côte Atlantique

Depuis début janvier, d’autres signalements épars semblent indiquer que le cône de dispersion de cette pollution est bien plus vaste qu’initialement envisagé. Des microbilles plastiques se sont échouées sur les plages du Nord Finistère (Ploumoguer, Porspoder notamment), dans le Morbihan (aux abords de la ria d’Etel), en Loire-Atlantique (Pornic) et jusqu’en Vendée (Les Sables-d’Olonne).

Les derniers signalements

Début février, une nouvelle vague de signalements. Des billes plastiques sont constatées sur les plages des Côtes-d’Armor (Plurien, Erquy), en Manche et ce, jusqu’en Seine-Maritime. De petites quantités sont à nouveau signalées en Morbihan (Erdeven) ainsi qu’en Finistère (Crozon, Trégunc et Tréneneuc).

En mars, Vigipol en reçoit encore notamment dans les Côtes-d’Armor (Binic-Etables-sur-Mer, Lamballe Armor, Tréveneuc, Plougasnou) et en Finistère au Conquet.

De quoi s’agit-il ?

Ces petites billes, aussi connues sous le nom de GPI (granulés plastiques industriels), de pellets ou larmes de sirène sont une pollution malheureusement bien connue des océans. Mesurant entre 0,01 mm et 1 cm, elles sont utilisées par l’industrie pour fabriquer des objets plastiques de toute sorte.

Comment nettoyer le littoral de cette pollution ?

Il n’existe pas de consensus sur une technique satisfaisante pour ramasser de tels arrivages. En effet, la solution de tout ramasser pourrait s’avérer pire que le mal. Ces billes se logent le plus souvent dans la laisse de mer qui est un réservoir de biodiversité important, leur ramassage, outre le temps très conséquent que cela requerrait, causerait une détérioration de la laisse de mer essentielle à l’équilibre des plages.

Le 4 décembre 2022, un ramassage Surfrider a toutefois permis de collecter 15 kg de ces billes plastiques sur la plage de Kermabec à Tréguennec (29). Armés de tamis, les bénévoles ont pu extraire les billes sans prélever de sable. Concernant, celles logées dans la laisse de mer seul un ramassage à la main, microbille par microbille, est envisageable pour ne pas impacter le milieu plus qu’il ne l’est déjà. On imagine le caractère extremement chronophage, et quelque part irréaliste que prendrait ce type d’opération.

Plage de Pouldreuzic
(Source : Vigipol)
Plage de Pors Carn (Penmarc’h)
(Source : Vigipol)
Plage de Pors Carn (Penmarc’h)
(Source : Vigipol)

Une origine inconnue

Si l’on ignore l’origine de cette pollution, il est probable que ces millions de billes plastiques proviennent d’un conteneur perdu en mer. En effet, cette forme de GPI utilisée dans l’industrie est souvent transportée par voie maritime dans des conteneurs. Autre hypothèse, l’origine de cette pollution pourrait aussi être tellurique en provenance d’une industrie située sur le littoral ou à proximité.

Dans tous les cas, la présence de ces billes dans le milieu marin impacte fortement la faune marine et littorale.

Que dit la réglementation ?

En droit international

Les GPI, transportés largement par conteneurs, pourraient être classées dans l’Annexe III de la Convention MARPOL qui pose les règles relatives à la prévention de la pollution par les substances nuisibles transportées par mer en colis. Cependant, selon le rapport du Cedre, les GPI retrouvés sont constitués de polyéthylène (un polymère thermoplastique) à hauteur de 90 %. Or, cette matière n’est pas considérée comme un polluant marin au sens du Code IMDG. Par conséquent, le transport maritime de ces billes plastiques n’est pas soumis aux règles de l’Annexe III de la Convention ayant pourtant pour objet la prévention de la pollution par les navires.

Toutefois, l’OMI s’est saisi de cette question notamment en réaction à des événements et en particulier le naufrage de l’X-Press Pearl en 2021 au cours duquel 11 000 tonnes de pellets de plastique ont été déversées au large des côtes du Sri Lanka. Le dernier Sous-comité dédié à la prévention et à la lutte contre la pollution (PPR 10) a approuvé un projet de circulaire MEPC sur les recommandations pour le transport de pellets de plastique par mer dans des conteneurs. Le projet de texte sera soumis au Sous-comité du transport des cargaisons et des conteneurs (CCC 9), qui se réunira du 20 au 29 septembre, pour contribution. Concrètement, ce projet de circulaire recommande que :

  • les pellets de plastique devraient être emballés dans des emballages de bonne qualité, suffisamment solides pour résister aux chocs et aux sollicitations auxquels ils peuvent normalement être soumis en cours de transport
  • les emballages devraient être construits et fermés de façon à éviter toute perte de contenu qui peut être due à des conditions ordinaires de transport, dont les vibrations ou les forces d’accélération
  • les informations relatives au transport doivent clairement identifier les conteneurs contenant des pellets de plastique
  • l’expéditeur devrait compléter les informations relatives à la cargaison par une demande d’arrimage spécial exigeant un arrimage
  • les conteneurs qui contiennent des pellets de plastique devraient être correctement arrimés et assujettis pour réduire au minimum les risques pour le milieu marin, sans porter atteinte à la sécurité du navire et des personnes à bord
  • les conteneurs contenant des pellets de plastique doivent être arrimés : sous pont dans toute mesure raisonnable en pratique ; ou vers l’intérieur dans les zones abritées des ponts exposés
  • les pellets de plastique ne devaient pas être transportés en vrac

Le Sous-comité PPR a invité les États Membres et les organisations internationales intéressés à soumettre à une prochaine session du Sous-comité des propositions pertinentes sur les modifications du cadre réglementaire qui pourraient être nécessaires pour empêcher l’expédition de pellets de plastique en vrac.

Le dernier Comité pour la protection de l’environnement marin (MEPC 80) qui s’est déroulé du 3 au 7 juillet 2023 a noté et approuvé les travaux en cours au sein du Sous-comité PPR afin de traiter les risques pour le milieu marin liés aux pellets de plastique en deux étapes :

  • élaborer un projet de circulaire contenant des recommandations pour le transport de pellets de plastique par mer dans des conteneurs, qui porteraient notamment sur les questions relatives à l’emballage, à la notification et à l’arrimage, dont la version définitive serait établie au PPR 11, compte tenu des observations formulées par le Sous-comité CCC 9, en vue de son approbation par le MEPC 81 en 2024
  • et par la suite, élaborer des amendements aux instruments obligatoires appropriés, qui pourraient être fondés sur l’expérience acquise dans le cadre de la mise en œuvre des mesures facultatives

Après examen par le Sous-comité CCC 9, les projets de recommandations pourraient être finalisés par la prochaine session du Sous-comité PPR (PPR 11, en 2024) et approuvés par le MEPC 81 au printemps 2024. 

En droit français

Depuis la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC, un nouvel article L.541-15-11 a été intégré au sein du Code de l’environnement afin de prévenir les pertes de GPI dans l’environnement. Désormais, les sites de production, de manipulation et de transport de GPI :

  • doivent être dotés d’équipements et de procédures permettant de prévenir les pertes et les fuites de granulés dans l’environnement ;
  • doivent faire l’objet d’inspections régulières, par des organismes certifiés indépendants, afin de s’assurer de la mise en œuvre des obligations qui leur incombent et de la bonne gestion des granulés sur l’ensemble de la chaîne de valeur, notamment s’agissant de la production, du transport et de l’approvisionnement.

Les modalités d’application de cet article ont ensuite été précisées dans le décret du 16 avril 2021 relatif à la prévention des pertes de granulés de plastiques industriels dans l’environnement. Les sites de production, de manipulation et de transport de GPI doivent être dotés d’équipements prévenant leur rejet canalisé dans l’environnement. Les zones de ces sites où des GPI sont susceptibles d’être répandus accidentellement doivent être associées à des dispositifs de confinement et de récupération prévenant leur dissémination dans l’environnement.

Par ailleurs, ces arrivages sont l’occasion de rappeler les risques liés à la perte de conteneurs en mer et les limites de la législation actuelle encadrant ces pertes. En effet, si les capitaines ont l’obligation de signaler toute perte de marchandises en mer, il arrive qu’ils ne se rendent pas compte eux-mêmes de la chute d’un conteneur du navire.

Les communes démunies face à ces arrivages

Sans réelle technique satisfaisante pour collecter et traiter ces déchets à ce jour, les communes se trouvent démunies pour faire face à ces arrivages désormais réguliers et diffus. Les maires des Sables-d’Olonne (85), Pornic (44), La Bernerie-en-Retz (44), Pronichet (44) ont donc décidé de porter plainte contre X. L’Etat français s’est également joint à eux ainsi que la Région des Pays de la Loire et de Bretagne et le Conseil départemental du Finistère.

Le point de vue des associations

Face à cette pollution plastique sur les plages, des associations environnementales ont réagis. Dans un communiqué de presse conjoint, France Nature Environnement Pays de la Loire, Vendée, Bretagne, Bretagne Vivante et Eau & Rivières de Bretagne ont décidé de porter plainte contre X afin que des investigations soient engagées. Selon elles, ce phénomène appelle à l’adoption de mesures ambitieuses pour améliorer la traçabilité du commerce international de plastique ainsi que la modification de nos habitudes de consommation.

Un week-end de mobilisation

Samedi 21 janvier, plusieurs opérations de nettoyage ont été organisées en Bretagne et Pays de la Loire par Surfrider Foundation Europe :

  • En Finistère Sud, sur la plage de Kermabec à Tréguennec avec l’association Les Semeurs de la Baie
    • 90 personnes mobilisées
    • 5 élus
    • 60 000 granulés plastiques ramassés
  • En Finistère Nord, sur la plage de Kerhornou à Plouarzel
  • En Loire-Atlantique, sur la plage de la Noëveillard à Pornic
    • une centaine de personnes
    • environ 4 000 granulés plastiques ramassés

Si ces différentes mobilisations ont une portée symbolique, elles ont toutefois permis une large médiatisation du phénomène. Selon Surfrider, le but était aussi d’interpeller les législateurs européens avec leur slogans « Pollution plastique – Industrie coupable ! ». Elle réclame l’application de la loi ainsi que l’adoption par l’Union européenne d’un cadre strict, pour que l’industrie soit reconnue responsable et coupable de ces accidents industriels.

L’action de Vigipol

Compte tenu de l’ampleur que prend le phénomène, Vigipol a également décidé de porter plainte contre X. Cependant, la dimension judiciaire ne suffit pas. C’est pourquoi, le Syndicat mixte appelle toutes les collectivités littorales, associations et autres organismes à signaler des arrivages de GPI afin de pouvoir cartographier et mesurer le plus finement possible l’ampleur des arrivages. Il échange également avec le Cedre, le PNMI et Surfrider Foundation afin de définir des mesures appropriées à mener conjointement ou chacun dans son domaine de compétence.

(Source : Vigipol)

Réunion de travail avec le Secrétaire d’Etat à la mer

Le vendredi 27 janvier, le Secrétaire d’Etat à la mer, Hervé Berville, en déplacement dans le Finistère, a tenu une réunion de travail à Quimper sur les arrivages actuels de GPI sur les plages du Finistère à la Vendée. Etaient présents autour de la table : le Préfet du Finistère, le Préfet maritime de l’Atlantique, deux députés, Vigipol, le Cedre et des maires de communes littorales. Vigipol a présenté les actions qu’il a conduites depuis le mois de novembre. Le Secrétaire d’Etat a, entre autres, souligné l’importance du travail réalisé par le Syndicat mixte et évoqué le souhait que Vigipol soit associé à la contribution de la France dans les négociations à l’OMI relatives aux pertes de conteneurs en mer. Il a également demandé au Cedre de développer une technique pour ramasser des arrivages éparses de billes plastiques. 

Réunion de travail sur les GPI à Quimper
(Source : Vigipol)

Procédure judiciaire

Fin janvier, le Pôle Environnement du Parquet de Brest a annoncé ouvrir une enquête sur la pollution et le principe du dessaisissement des autres Parquet ayant reçu des plaintes similaires au profit de ce dernier. La gendarmerie maritime de l’Atlantique devrait être chargée de l’enquête, gendarmerie que Vigipol a rencontré courant février afin de réfléchir à un protocole de signalement qui faciliterait les investigations lors d’une éventuelle prochaine pollution.

La BRGM (Brigade de Recherche de la Gendarmerie Maritime) de Lorient en charge des investigations a centralisé l’ensemble des plaintes et mené l’enquête. Début novembre 2023, le dossier a été déposé sur le bureau du Procureur de Brest.

Travail avec la Région Bretagne

Début février, la Région Bretagne transmet pour avis à Vigipol un projet de voeu qu’elle souhaite faire passer en session plénière de mi-février. Le Syndicat mixte suggère de compléter les propositions sur les points suivants :

  • Obligation d’équiper chaque conteneur d’un système de géolocalisation mis à disposition de l’État côtier le plus proche en cas de perte, en priorité ceux contenants des matières dangereuses
  • Classement des GPI en « polluants marins » au sens du Code IMDG : ceci impliquerait
    • l’application des règles de l’Annexe III de MARPOL relatives à la prévention de la pollution par les substances nuisibles transportées par mer en colis
    • l’obligation du navire de signaler son passage au large à l’État côtier lorsqu’il a ce type de marchandises à bord

Le mercredi 15 février, le Conseil régional de Bretagne a pris position à l’unanimité « pour la traçabilité des conteneurs perdus en mer ».

Nos propositions

Pour mieux comprendre le phénomène

  • Recenser tous les arrivages à la côte issus du transport maritime sur le littoral français
  • Analyser le transport de GPI par voie maritime

Pour gérer les arrivages

  • Ramassage : Travailler avec le Cedre à définir un protocole ciblé qui préserve la laisse de mer et soit compatible avec les moyens dont les communes disposent
  • Traitement : identifier avec les services de l’état la filière la plus adaptée
  • Financement des opérations : identifier le coût réel de la gestion de ces arrivages pour les collectivités et chercher avec les services de l’état des solutions de prise en charge financière

Pour réduire le risque 

  • Transport des GPI : faire reconnaître les GPI comme un polluant marin pour :
    • que l’annexe III de la Convention MARPOL relative à la prévention de la pollution par les substances nuisibles transportées par mer en colis puisse s’y appliquer
    • qu’un navire transportant des GPI ait obligation de signaler son passage au large à l’État côtier
  • Perte de conteneurs en mer : promouvoir l’obligation d’équiper chaque conteneur d’un système de géolocalisation mis à disposition de l’État côtier

Vous souhaitez signaler un arrivage de billes plastiques ? Cliquez ici

Pour plus d’informations :